L’eau au Mexique et la marque rouge et blanche
Le voyage à vélo a cela de bon, c’est qu’on a le temps de réfléchir et de poser les choses. Et cet article, je le cogite depuis plus d’un mois : le sujet de l’eau nous a marqué dès le début de notre voyage et nous sidère d’ailleurs encore. Au Mexique, l’eau est précieuse et rare, et l’eau du robinet, partout où nous sommes passés (5 états sur 32) n’était pas potable.
Plusieurs sources d’approvisionnement existent selon les villes ou les Etats. Soit c’est une source d’approvisionnement générale, comme nous le connaissons en France, soit c’est une source communale en utilisant les ressources locales, soit une source privée (collecte eau de pluie et puits), soit un réservoir approvisionné par camion. Ajouter à cela le fait qu’il ne pleut de manière conséquente que de mai à septembre (saison des pluies) et que les 2/3 du Mexique sont considérés comme aride ou semi-aride.
Donc, en résumé, l’eau du robinet a une qualité toute relative. Elle est utilisée uniquement pour aller aux toilettes et se laver. Pour boire (somme toute l’essentiel), faire la vaisselle et cuisiner, inutile d’y penser. Alors, quand il ne pleut plus/pas et que les nappes phréatiques sont asséchées, c’est la pénurie. D’ailleurs, juste après notre passage dans l’Etat de Oaxaca, des manifestations ont vu le jour, le peuple demandant l’accès à l’eau potable : c’est la pleine période de sécheresse en ce moment Plus d’infos ici.
Si le problème ne s’arrêtait « que » là, vous nous direz. Et bien, non. Ca va plus loin. Une grande entreprise connue internationalement a su tirer son épingle du jeu de cette situation au dépend des Mexicains.
Retour sur notre quotidien pour tout comprendre. Pas d’eau potable au robinet signifie que nous devons nous ravitailler tous les jours en eau potable ailleurs. Boire reste bien l’un des besoins primaires essentiel. Alors, comme la plupart des Mexicains, nous nous fournissons en bouteille d’eau plastique, pas le choix (pas bon pour la planète tout ça…). La plupart des habitants ont ainsi des grosses bonbonnes d’eau qu’il achète à la tienda du pueblo.
Des entreprises privées se chargent de filtrer et de purifier l’eau et de la livrer, directement à domicile ou en tiendas. Là où cela se corse, c’est lorsque vous voulez étancher votre soif au quotidien (les températures avoisinent les 40° en ce moment sur la péninsule du Yucatan). Ces nombreux petits magasins rencontrés dans les zones rurales proposent de quoi se désaltérer, toutes dans des frigos quelque peu similaires.
Et c’est là que Coca intervient. Le Mexique est le 1er pays consommateur de Coca dans le monde et son importance ne cesse de croître, entrainant des conséquences désastreuses pour la population : obésité et diabète. La production du Coca contribue à assécher le pays déjà bien pauvre en ressources d’eau (2 litres d’eau sont nécessaires pour fabriquer 1 litre de Coca). Sans cette eau potable, le pays détient le record du monde de consommation d’eau en bouteille. Et encore plus aberrant, il n’existe pas d’eau de source dans ces petites tiendas, mais si vous achetez de l’eau en bouteille, vous achèterez de l’eau filtrée et traitée, en somme, de l’eau du robinet. Et Coca-Cola, avec Danone, est le co-leader sur ce marché. Conséquences : 21 millions de bouteilles plastiques sont jetées et seules 20% sont recyclées, la majorité allant…dans la nature. Test gradeur nature : sur 1km nous avons compté 17 bouteilles de coca le long de la route.
Du coup, à cause de ce manque d’eau potable, la consommation de Coca explose. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Suite à la libéralisation du marché de l’eau en 1992, Coca a pu négocier 27 concessions pour pomper l’eau et 8 pour rejeter les eaux usées. L’usine principale se situe à San Cristobal de Las Casas. 100 millions de litres d’eau sont pompés chaque année, ce qui, paradoxalement, prive la population d’eau potable ! Et l’emprise de la marque blanche et rouge est présente partout quand vous prenez le temps d’observer. Coca aide les petites tiendas en leur apportant un soutien logistique avec les contreparties qu’on suppose.
Rajouter à cela le prix de la bouteille de Coca-cola. Il est souvent aussi voir moins chère que…la bouteille d’eau. Et vous n’avez, en pleine pampa, assez souvent pas le choix sur la marque à consommer. Coca vendant de multiples marques de boissons du soda…à l’eau.
Dernier point, l’ancien président du Mexique n’est autre qu’un ancien directeur international de…Coca-Cola.
En synthèse et en raccourci :
- L’eau du robinet n’est pas potable
- 80% des déchets plastiques ne sont pas recyclés
- Une pénurie d’eau pointe le bout de son nez dans certains Etats du Mexique
- Les grandes multinationales détiennent plusieurs dizaines de concessions d’eau sur le territoire
- Le Mexique est le pays le plus gros consommateur de Coca au monde et le prix reste très accessible
Malheureusement, pas vraiment de solutions à notre niveau, si ce n’est d’éviter de consommer tout produit Coca. En fait si. Cette situation outre atlantique doit nous faire prendre conscience :
- De la chance que nous avons de pouvoir boire l’eau du robinet en France
- D’arrêter de consommer des bouteilles plastiques, lorsque nous le pouvons, en utilisant des solutions alternatives
La planète vous remerciera.
Sources :
https://m.reporterre.net/Au-Mexique-la-population-manque-d
