J64 – Une nuit en bivouac
Il faut savoir s’exempter de toutes peurs pour bien dormir en bivouac. Chercher l’endroit « idéal » n’est pas aisé, surtout avec des enfants. Cette nuit, j’ai pris 100% de plaisir pour la première fois en bivouac. Le bivouac ou wild-camping en anglais, n’est quasiment autorisé nulle part, mais toléré, tant que vous plantez la tente à la tombée de la nuit, l’enlevez le matin et prenez bien soin de ne laisser aucune trace.
Au moment où j’écris cet article, nous enchaînons notre 4ème nuit d’affilée dont les 2 premières dans le champs de paysans (avec leur accord). Avec le bivouac, on apprend automatiquement à lâcher prise, au risque de passer des nuits blanches. Beaucoup de « et si » issues des légendes urbaines, des livres, films, histoires en tout genre, des faits divers vous (me) polluent avec les cauchemars qui vont avec : la voiture qui vous fonce dessus, le sanglier qui attaque, la rivière qui déborde, le groupe qui vient vous chercher des noises, le mort-vivant qui surgit du fond de la nuit ou le loup garou qui rode…Mais il n’en est rien. Tout ça n’est (pour 99% des hallucinations) que de pures inventions. Au contact d’autres cyclo voyageurs plus aguerris, vous découvrez qu’il ne leur est jamais rien arrivé, au contraire, que de belles rencontres. Alors, oui, il faut lâcher prise, apaiser son cœur qui se met à tambouriner à l’écoute d’un animal venu retrouver son territoire ou d’une voiture roulant à vive allure sur une route toute proche. Avec un peu de recul, on se dit qu’on est sacrément conditionné à avoir une vie sous haute protection et le bivouac nous livre corps et âme à la nature. Alors, il faut patienter que les verrous se débloquent.
Et ce fameux bivouac ?
Au démarrage, il doit être parfait avec une petite rivière, dans l’herbe pas trop haute, du plat (autant que faire ce peu), éloigné de la route, pas à la vue des maisons…mais on revoit vite ses critères au fur et à mesure que le temps passe. Le début des recherches : nous prenons soin d’emprunter un chemin ou une route de campagne. En Toscane, les campagnes regorgent au choix de vignes (avec son Chianti) et d’oliveraies. Nous nous y engouffrons. Mais le critère : « à l’abri des regards » n’est pas du tout coché, ce qui n’est pas réellement à mon goût. Nous poursuivons les recherches. Il faut savoir que trouver un « bon » bivouac, du moins correspondant à la plupart de vos critères peut mettre entre 15min et 1h30. Alors quand le soleil commence à se coucher à 18h, il ne s’agit pas de traîner lorsqu’il est 17h passé.
Pour revenir à ce fameux bivouac.
Nous poursuivons donc les recherches en demandant à une gentille dame qui nous répond avec un gentil sourire que ce n’est pas possible de dormir dans son champs (je vous passe la raison, ils sont eux mêmes conditionnés à être protégés et à ne pas accepter d’intrus, ce que nous comprenons tout à fait, dans cette société anxiogène). Sans baisser les bras, nous trouvons au bord de la route, une petite forêt. En avançant, nous découvrons le chemin de randonnées de la via Francigena et au bord…le bivouac qui correspond à presque tous les critères (sans la rivière!), alors bingo ! Enfin, pas tout à fait. A quatre, nous sommes en mini-democratie. Un petit vote. Allez, 3 sur 4 : on ne tergiverse plus. L’installation se fait assez rapidement, chacun a son rôle. Une petite douche solaire (froide!!) mais c’est déjà ça de gagné! Et au lit à 20h30. Des jours et des jours de vélo et de maintenance…et bien ça fatigue! 21h, on ferme les yeux. Les premiers ronflements apparaissent. Mais à part cela, c’est le calme…olympien! Pas un bruit, pas un oiseau, une nuit exempte de tout bruit : juste la petite feuille qui grelotte. Alors, j’intériorise, je fais le vide, tel le petit bouddha qu’il y a en moi. J’accompagne ce sentiment de pure liberté en faisant fi du reste. Seuls au monde. Et puis, vers 21h30, mes oreilles ne dorment pas encore. J’entends le bruissement des feuilles au sol, proche de la tente. Puis un bruit de mastication. Alors, je m’imagine le chevreuil, le lapin, le lièvre ou le sanglier…et je m’endors, paisiblement. Le lendemain matin, je suis réveillée par le chant des oiseaux dont j’essaye toujours de comprendre les conversations. J’ai passé une de mes meilleures nuits depuis le début du voyage.
Comme quoi, avec du lâcher prise, nous avons tous une capacité d’adaptation que nous ignorons.
Perrier Marie-Pierre
Bravo! J’ai bivouaqué dans ma jeunesse. Je me souviens de m’être endormie dans une oliveraies en Grèce et m’être réveillée au milieu des chèvres le matin avec en prime le bonjour du berger. C’est merveilleux de pouvoir encore le faire!